Dossier : centenaire de l’armistice

Cela ne vous a pas échappé, nous avons célébré cette année le centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale. Elle s’est déclenchée officiellement le 28 juillet 1914 pour se terminer le 11 novembre 1918. Le 11 novembre férié, c’est la célébration de l’armistice, qui a sonné la fin des combats (enfin presque…). Ce conflit a causé près de dix-huit millions de morts (environ 8,9 millions de civils et 9,7 millions de militaires) et vingt et un millions de blessés.

Le mot de l’ABC

Interview des exposants

Vidéos et images : pour aller plus loin

Partout en Europe et dans les pays non européens ayant participé au conflit, des manifestations, cérémonies, expositions, documentaires et témoignages ont fleuri pour participer au devoir de mémoire. Près de 70 chefs d’État ont ainsi participé au cortège de commémoration du 11 novembre à Paris (comme Donald Trump, président des États-Unis d’Amérique, Vladimir Poutine, président de la Russie ou encore Mohammed VI roi du Maroc).

Si évidemment à Carignan, nous n’avions pas de chefs d’État, nous n’étions pas en reste. En plus de la cérémonie de mémoire en présence des élus, de l’UNC, d’anciens combattants et de Carignanais, plusieurs événements ont eu lieu. Deux expositions tout d’abord, qui ont fini par fusionner tant elles étaient complémentaires. L’une sur le destin d’anciens combattants carignanais, retracé grâce aux recherches de monsieur Joël Adam, l’autre sur les objets de la guerre, exposés par le collectionneur Michel Tard. Vous retrouverez plus bas en avant-première l’interview réalisé pour le Mag qui sortira en janvier.

L’ABC a également participé à ce travail de mémoire et s’exprime en ces mots :

Hommage aux poilus de Carignan

À l’occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, l’ABC, grâce aux recherches et travaux de Joël Adam et France Eyraud, avec le soutien de l’UNC, de L’ACPG-CATM, du CHAD, de la directrice de l’école primaire avec ses élèves ont mis en valeur l’histoire des poilus du monument aux morts de Carignan de Bordeaux.

Des journées « Hommage aux poilus » ont eu lieu du 6 au 11 novembre dans la salle du Conseil Municipal. L’histoire que vous raconte chacun de ces 24 poilus est celle de votre grand-père ou d’un aïeul. C’est l’histoire commune de tous les mobilisés de 14-18, de leurs engagements, de leurs parcours et de leurs combats. Ils sont « Morts pour la France » en héros méconnus.

L’un des panneaux retraçant l’histoire d’un poilu carignanais

Zoom : interview des exposants

(à retrouver dans le Mag d’hiver, parution en janvier)

A l’occasion de la célébration du centenaire de l’armistice de la guerre 14-18, la salle du conseil de notre commune a accueilli des expositions exceptionnelles.

Grâce à l’impulsion de l’ABC et du Chad, deux passionnés d’histoire des conflits sont venus nous faire partager leur connaissance. Monsieur Joël Adam s’est spécialisé dans la recherche des archives concernant les soldats, afin de retracer leur histoire ; il a ainsi retrouvé le cheminement des combattants carignanais dont les noms sont sur le monument aux morts et a présenté le résultat de ses travaux. Monsieur Michel Tard est lui un fervent collectionneur, il a accumulé au fil des années des milliers de pièces, que ce soient des lettres, des objets, des vêtements… Il en a exposé plus de neuf-cents et accompagnait les visiteurs pour expliquer avec précision leur origine et l’usage qui en était fait. Le Mag a eu l’occasion de longuement échanger avec eux.

Michel Tard (gauche) et Joël Adam

Le Mag : Bonjour messieurs ! Comment en êtes-vous venus, vous qui n’êtes ni historien ni chercheur, à accumuler des objets et apprendre leur histoire ou faire de longues recherches ? D’où vient cette passion ?

Joël : Je suis originaire des Ardennes. Contrairement à ici le territoire reste marqué par ces conflits. Le sol est transformé, des villages ont disparu, d’autres ont dû être totalement reconstruits, parfois plusieurs fois. Là d’où je viens, enfants, en jouant nous trouvions des obus dans les champs ; le souvenir des Grandes Guerres fait partie de notre héritage. Je crois que ma démarche a commencé lorsqu’un ami m’a envoyé des documents qui concernaient mon grand-père. Un mélange d’émotion et de curiosité s’est emparé de moi à mesure que je découvrais comment il avait traversé le conflit, blessé, gazé, mais finalement était revenu en vie. Et lors d’une commémoration à Carignan, à mesure que l’on égrenait les noms des poilus, rythmés par les « mort pour la France », je me suis demandé quelle vie ces jeunes carignanais d’avant avaient pu avoir, et quel destin ils avaient rencontré. C’est là que j’ai décidé d’entreprendre ces recherches. Et il s’est avéré que le tout premier poilu sur lequel j’ai enquêté est décédé a quelques kilomètres de chez moi. La passion m’a alors vite envahi.

« C’est pas sorcier » sur la guerre 14-18, qui a été diffusé aux élèves lors de l’exposition

Michel : C’est une passion qui est née alors que j’étais enfant, je crois que j’ai commencé à collectionner vers mes douze ans. Mon père avait participé à la libération de Royan, mais ne m’a jamais réellement parlé de cette période ; on peut le comprendre. Mais grâce aux objets que je collectais, les images de mes livres d’histoire commençaient à prendre vie. Le fait de les toucher, de les prendre en main me faisait ressentir une certaine émotion, à la fois passionnante et angoissante, revivant par imagination et empathie la terrible vie des soldats. Nous sommes tous collectionneurs dans la famille, les timbres, les pièces de monnaie, les trains… Moi ma passion s’est tournée vers les objets des grandes guerres, et toutes les informations qui les concernent. Je lis énormément, j’ai fini par accumuler autant de connaissance que de livres, magazines et, bien entendu, objets historiques.

Mag : Quel message cherchez-vous à véhiculer avec ces expositions, qu’est-ce qui vous a poussé à les entreprendre ?

Joël : Je trouve qu’il est important de perpétuer le souvenir, surtout pour se rendre compte du « déphasage », si je puis dire, entre cette époque et la nôtre. C’était un temps de patriotisme et de sens du sacrifice exacerbés. Quand on le compare à notre société actuelle, sur bien des points, on prend mesure des évolutions, des changements qui ont eu lieu en finalement peu de temps à l’échelle de l’Histoire. C’est aussi lorsque je me suis rendu compte que je ne connaissais pas grande chose de la manière dont mon propre grand-père avait vécu 14-18, ni mon père 39-45, que je me suis dit qu’il ne fallait pas oublier que presque tout le monde a, dans sa famille, des personnes qui ont participé ou ont vécu les affres de ces conflits. Retrouver ce qu’il s’est passé peut intéresser certaines personnes, peut-être permettre la création d’un lien ou d’une mémoire familiale, ou ne serait-ce qu’apprendre ses racines.

Michel : Il y a sans doute plusieurs aspects, au-delà bien sûr de ce que tout collectionneur aime faire : montrer sa collection ! C’est surtout une manière de partager sa passion, de véhiculer une histoire, une âme. On peut apprendre à l’école ou dans les livres d’histoire comment les choses se sont passées d’une manière très générale. Mais tenir en main le sac, la pipe, l’arme ou quoi que ce soit d’autre qu’un jeune homme de vingt ans serrait dans ses mains, au fond de la tranchée, attendant qu’on sonne l’assaut… Cela met les choses en perspective. Lorsqu’on est, comme moi, très empathique, on ne peut que se laisser envahir par ce sentiment de réel. C’est quelque chose que je veux partager, c’est donner vie aux textes et aux vieilles photos. C’est aussi un appel : ne perdez pas la mémoire, interrogez si vous le pouvez les personnes encore en mesure de donner leur témoignage, enregistrez, protégez… Il ne faut pas que ces choses se perdent.

Mag : Finalement dans ce que vous dites, ce ne sont ni les objets ni les archives qui sont au centre de vos démarches, mais l’humain, le partage, non ?

Joël : Très clairement. Ce peut être l’occasion d’en apprendre plus sur sa famille, sa généalogie. Dans certains petits villages, où il y a eu peu de mouvement ou d’exodes, où la plupart des membres de la famille vivent à quelques kilomètres les uns des autres, on peut trouver des ancêtres ayant eu une histoire commune avec son voisin. Cela peut, au-delà de l’intérêt du savoir en lui-même, apporter une certaine compréhension, créer des liens, découvrir des histoires passionnantes. Savoir comment ceux d’ici sont partis mourir là-bas.

Michel : exact. Partager sa passion, comme nous le faisons, c’est aussi rencontrer d’autres passionnés. J’ai par exemple rencontré Joël ici à Carignan à l’occasion de ces expositions, nous nous sommes tout de suite très bien entendus. C’est aussi un excellent moyen de partager avec les enfants : pour eux tout devient beaucoup clair, plus réel, lorsqu’on peut leur montrer physiquement les objets, qu’ils peuvent les tenir en main. J’ai été surpris par la passion de certains jeunes d’ailleurs, et cela me rassure sur la perpétuation de la mémoire. Cela dit, certaines rencontres des personnes plus âgées sont tout aussi touchantes. Je me souviens d’une dame qui était venue me voir alors que je parlais d’un soldat : elle s’est tout naturellement approchée et m’a dit « c’était mon père », l’émotion était palpable, pour elle comme pour moi. Une autre fois, nous étions plusieurs passionnés costumés en vêtements d’époques, militaires ou civils, pour une reconstitution, et une dame âgée s’est tenue devant nous, les larmes aux yeux « ça me rappelle tellement de choses, c’est fou ». Je dois vous dire que moi-même je retenais mes larmes.

Mag : l’émotion est au cœur de vos démarches, finalement. Michel, vous avez une pièce favorite ? Et Joël, une enquête qui vous tient particulièrement à cœur ?

Joël : oh, il y a tellement d’histoires incroyables, ce n’est pas possible dans choisir une. Le processus de recherche en lui-même est parfois sa propre récompense : trouver enfin le bout d’archive qui manquait, le rapport de mouvement qui cite la bonne personne… Mais celle qui occupe pour l’instant mes pensées est l’enquête sur… Le grand-père de Michel ! J’avais presque cru finir coincé, mais j’ai de nouvelles pistes, j’espère bientôt pouvoir parvenir à mes fins.

Michel : Pour moi aussi, c’est très dur de choisir. Si on restreint déjà à ce qui a été exposé ici, je crois que l’une des pièces les plus émouvantes est une simple tasse en aluminium. Les soldats se voyaient fournir le strict minimum, celui-ci avait certainement acheté sa tasse pendant la campagne. Il l’a gravée au Chemin des Dames, représentant un fer à cheval, et ajoutant un nom, peut-être celui de sa femme, de sa petite amie… ou toute autre personne suffisamment importante pour lui que cela lui apporte du réconfort.

Vidéo de Nota Bene sur le Chemin des Dames

Mag : Merci à tous les deux ! Vous avez quelque chose à ajouter ?

Les deux : Nous tenons à remercier bien entendu l’ABC et le Chad, qui sont à l’origine de cette démarche, ainsi que l’UNC et la commune. Un grand merci tout particulier aux élus et au personnel de la mairie qui nous ont grandement aidés, spécialement Pierre Carlet, Bruno Lavesque et Martine Guibert. Ce n’est pas souvent que nous sommes autant épaulés lors des expositions !

Un grand merci également à madame Le Gaillard, directrice de l’école élémentaire, ainsi qu’à ses élèves et ceux de l’IMP qui sont venus exposer leurs propres recherches sur la guerre et nous ont ravi par leur intérêt pour notre passion.

Pour aller plus loin :

Vous souhaitez en apprendre plus sur la Première Guerre mondiale ? Internet regorge d’informations sur le sujet. Nous vous conseillons par exemple quelques vidéos :

La chaîne YouTube de Nota Bene, qui traite de bien des aspects de l’Histoire, mais dispose d’une suite de vidéos spécialement consacrées à 14-18.

Malgré le tragique de ces événements, un créateur de contenu a réalisé quelques vidéos qui, sous couvert d’humour, nous apprennent des anecdotes très peu connues mais très insolites sur ce conflit dans sa série « le petit théâtre des opérations »

Archives de l’ina sur des récits et témoignages de survivants, vous trouverez beaucoup d’autres contenus suggérés sur la page.

Le site centenaire.org met à disposition, entre autres, plusieurs webdocumentaires sur la guerre.

Vous trouverez en suivant ce lien une foule d’informations sur la guerre de 14-18

Enfin, consultez le site de la BNF pour découvrir ou redécouvrir leur exposition sur 14-18 et une foule d’information sur le sujet.